Déclaration institutionnelle du président de la Généralité
 
Palais de la Généralité, 21 octobre 2017
 
 
Toutes les propositions de dialogue adressées à l’État espagnol ont eu la même réponse : ou le silence ou la répression. Dans ma dernière lettre au président espagnol je réitérai la nécessité de parler et je rappelai que celui-ci est une demande qui nous est adressée par beaucoup de gens de lieux diverses. Aujourd’hui de Conseil des Ministres s’est chargée de claquer la porte à cette demande et a annoncé un ensemble de mesures et cessations qui représentent la liquidation de notre autogouvernement et de la volonté démocratique des catalans. Ce que les catalans décidèrent dans les urnes, le gouvernement espagnol l’annule dans les bureaux.
 
Ainsi, le gouvernement espagnol, avec le soutien du Parti Socialiste et de Ciudadanos, ont initié la pire attaque aux institutions et au peuple de la Catalogne depuis des décrets du dictateur militaire Francisco Franco, qui abolit la Généralité de Catalogne. Méprisant la volonté populaire exprimée de manière claire et massive aux élections du 27 septembre 2015, violentant notre Parlement et toutes les garanties et droits des députés et députées qui ont choisi le président de la Généralité et qui ont validé le programme du Gouvernement, le gouvernement espagnol s’est autoproclamé de manière illégitime le représentant de la volonté des catalans.
 
Sans passer par les urnes, avec un faible soutien et contrairement à la volonté de la majorité, le gouvernement de Mariano Rajoy veut nommer un directoire afin de téléguider depuis Madrid la vie en Catalogne.
Ce n’est pas la première fois que, aussi avec le concours du roi, les institutions catalanes reçoivent un coup de la part de l’État espagnol avec l’objectif de leur enlever des compétences, les réorienter ou les supprimer. Cette fois-ci, le peuple catalan s’est montré plus fort et déterminé, conscient que les agressions ont toujours masqué l’incapacité de l’État de faire de la politique et qu’il fallait, en conséquence, gagner d’avantage d’autonomie. Du régionalisme du début du XX siècle au souverainisme du XXI siècle, l’idée hégémonique en Catalogne a toujours été la même.
 
La Généralité n’est pas une institution née avec la Constitution espagnole actuelle. Bien avant l’approbation de la Constitution, la Généralité fonctionné déjà et elle était rétablie de manière provisoire compte tenu de sa légitimité historique et la continuité assurée par les présidents en exil Companys, Irla et Tarradellas. Aucune décision d’aucun gouvernement ne peut effacer ce fait persistant tout au long de l’histoire : c’est la volonté des catalans ce qui a permis de défendre et de rétablir nos institutions. Ce qu’on a nous l’avons gagné grâce à la force des gens et à la force de la démocratie.
 
 
Les institutions catalanes et le peuple de la Catalogne nous ne pouvons pas accepter cette attaque. L’humiliation que le gouvernement espagnol a pour but, en devenant tuteur de toute la vie publique catalane, du Gouvernement aux médias publics, est incompatible avec une attitude démocratique et se situe en dehors de l’état de droit. Car imposer une forme de gouvernement non choisie par les citoyens et sans une majorité parlementaire la soutenant est incompatible avec l’état de droit.
 
De même que agir impunément en exerçant la violence contre des citoyens pacifiques, utiliser des codes pénales anciens pour maintenir en prison deux personnes de paix qui n’ont commis aucun crime, persécuter des idées et des médias, ou encore encourager de façon irresponsable l’instabilité économique. Ou la grave irresponsabilité du PP avec Mariano Rajoy, l’actuel président, comme responsable principale d’une infâme collecte de signatures contre la Catalogne et l’honteuse sentence postérieure du Tribunal Constitutionnel contre un Statut d’autonomie de la Catalogne déjà approuvé en référendum –légale et accordée-. Ces irresponsables qui méprisèrent la volonté des catalans et qui violèrent le pacte constitutionnel de 1978 sont ceux qui aujourd’hui souhaitent nous gouverner.
 
Par conséquent, je suis conscient de la menace qui pèse sur tout le peuple de la Catalogne si l’État maintient son objectif liquidateur. Nous devons nous conjurer pour défendre à nouveau nos institutions, comme nous l’avons toujours fait, de manière pacifique et civilisée, mais aussi avec des arguments et de dignité.
 
C’est pour cela que j’ai demandé au Parlement qui fixe la convocation d’une session plénière où tous les représentants de la souveraineté citoyenne, élus par les citoyens, nous débâtions et prenons des décisions en relation à la tentative de liquider notre autogouvernement et notre démocratie, et nous agirons en conséquence.
 
[EN CASTILLAN] Je souhaite adresser un message aux démocrates espagnoles. Ce qui est en train de se faire avec la Catalogne est une attaque à la démocratie qui ouvre la porte à d’autres abus de la même nature n’importe où ailleurs, pas seulement en Catalogne. Criminaliser le dissident, nier la réalité et bâtir des murs de légalités plutôt que fenêtres de volonté citoyenne... Si tout ceci triomphe le mal à la démocratie et à tous les citoyens sera brutal et impliquera une régression scandaleuse. Nous ne devons pas permettre que cela arrive.
 
[EN ANGLAIS] Je veux adresser un message à l’Europe. Pas seulement à ses leaders politiques mais aussi, et tout particulièrement, à tous les citoyens européens, nos frères et nos sœurs, avec lesquels nous partageons la citoyenneté européenne.
Si les valeurs fondatrices de l’Europe sont en jeu en Catalogne, elles le seront aussi en Europe.  
Décider démocratiquement le futur d’une nation n’est pas un crime. Cela va contre les fondements qui unissent les citoyens européens dans sa diversité.
 
La Catalogne est une ancienne nation européenne. Elle est au cœur des valeurs européennes.
 
Nous faisons ce que nous faisons car nous croyons en une Europe démocratique et pacifique. L’Europe des Droits de l’Homme que doit nous protéger tous et chacun de nous.
 
Vous devriez savoir que ce pour quoi vous vous battez chez vous et le même que pour quoi nous nous battons aussi, en Catalogne. Et nous continuerons à le faire.
 
 
 
Carles Puigdemont i Casamajó
Président de la Généralité de Catalogne